
Comment capter l’attention à l’oral en racontant des histoires ?
On connaît tous quelqu’un dans son entourage qui arrive à capter l’attention de tout le monde en racontant des anecdotes divertissantes. Utiliser le storytelling est un excellent moyen pour attirer l’attention de vos interlocuteurs et faire en sorte qu’ils vous écoutent jusqu’au bout.
Qu’est-ce qui rend les histoires si puissantes ?
C’est dans notre ADN humain
Dans son livre “Sapiens : Une Brève Histoire de l’Humanité”, Yuval Noah Harari, historien et professeur d’histoire, explique que nous façonnons notre réalité au travers des histoires que nous racontons aux autres et à nous-mêmes.
L’avantage de l’Homo Sapiens sur toutes les autres espèces vivantes connues résiderait dans sa capacité à produire des fictions. Celles-ci permettent ainsi à plus d’1 milliard de personnes qui ne se rencontreront jamais de faire société dans un ensemble imaginaire appelé Inde ou Chine. Et cette capacité à nous fédérer et à coopérer à grande échelle est ce qui a permis à notre espèce d’occuper la place dominante sur la planète Terre.
Notre capacité à nous raconter des histoires serait donc la base de ce qui fait notre humanité. Notre cerveau est fait pour être réceptif aux histoires car nos ancêtres s’en sont racontées depuis des générations.
Elles sont divertissantes
Dans une histoire, il y a toujours une part de suspens qui nous incite à écouter jusqu’au bout. Notre curiosité de connaître la suite crée une excitation qui nous maintient en haleine.
Dans une histoire, il y a également différents personnages auxquels on s’identifie par effet miroir ou qui nous font penser à des personnes de notre entourage. On peut s’impliquer totalement dans une histoire ou être chamboulé par un récit qui nous parle.
Il y a aussi diverses émotions traversées par les personnages que l’on peut ressentir par empathie et des émotions propres comme la peur ou la joie que nous générons face aux événements inattendus qui nous sont racontés. C’est pourquoi les enfants adorent qu’on leur raconte des histoires et à l’âge adulte, nous continuons à le faire en lisant des romans ou en regardant des films.
Elles sont faciles à mémoriser
Une histoire est un enchaînement d’événements logiques parfaitement adapté au cerveau qui fonctionne par associations d’idées. Il est plus facile pour un être humain de retenir une succession d’éléments qui ont une relation de cause à conséquence qu’une liste d’informations sans aucun lien entre elles.
Essayez tout simplement de retenir cette liste :
- corbeau
- arbre
- fromage
- renard
- odeur
- flatterie
- voix
- bec
- tomber
- voler
Et maintenant, essayez à nouveau de la retenir en lisant cette histoire :
“C’est l’histoire d’un corbeau perché sur un arbre qui tient dans son bec un fromage. Un renard, alléché par l’odeur du fromage souhaitant le déguster, commence à parler au corbeau en lui faisant de nombreuses flatteries pour écouter sa belle voix. Amadoué par ces compliments, le corbeau ouvre le bec pour chanter et laisse tomber son fromage, que le renard s’empresse de voler. A ce moment-là, le corbeau comprend la ruse trop tard et se promet de ne plus jamais se faire prendre. ”
Plus facile à retenir non ?
Vous avez reconnu la célèbre fable de La Fontaine, “Le Corbeau et le Renard”. Cette histoire facile à mémoriser recèle en réalité une morale. C’est l’idée qu’il faut se méfier des personnes flatteuses qui peuvent faire des compliments pour servir leurs propres intérêts et que les personnes qui se laissent facilement séduire sont aussi les premières à se faire manipuler. A travers cette fable, nous mémorisons les événements de l’histoire mais aussi son message implicite.
Comment bien raconter une histoire ?
« Pour que l’événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu’on se mette à le raconter. » Jean Paul Sartre
Cette citation de Jean-Paul Sartre exprime bien l’idée qu’un même évènement apparemment banal ou ennuyeux peut paraître captivant dès qu’on le raconte sous la forme d’une histoire. Tout est donc une histoire de forme.
Les histoires suscitent l’adhésion, inspirent, convainquent et influencent les émotions de ceux qui les écoutent. Mieux elles sont racontées, plus leur impact est fort sur ceux qui les écoutent. Essayer de raconter une histoire ne suffit donc pas : il faut s’y prendre avec un peu de méthode pour bien le faire et pouvoir ainsi exploiter toute la puissance que cette technique, aussi appelée en anglais “storytelling”, apporte.
Le storytelling est une méthode de communication qui consiste à raconter une histoire pour faire passer un message. Au quotidien, décrire une expérience pendant un entretien d’embauche, faire un discours inspirant devant un large public (ex: conférence TED), convaincre par l’exemple en racontant une anecdote sont des moments où il est important de savoir faire un storytelling.
Respecter une structure
Les histoires respectent toutes la même structure et si vous cassez cette structure (par exemple en racontant tout de suite la fin), vous perdez tout l’effet de l’histoire.
La structure du storytelling a notamment été théorisée par Joseph Campbell dans son ouvrage “Le héros aux mille et un visages”. En étudiant les mythes, contes et légendes du monde entier, il a extrait une structure récurrente qu’il appelle “le monomythe” en 12 étapes. On peut aujourd’hui facilement retrouver ces étapes dans les films et récits connus de notre époque.
Toutes les explications en vidéo :
La version simplifiée de ces 12 étapes peut se résumer en 5 étapes que l’on appelle aussi le schéma narratif.
1) Situation initiale
Elle permet de poser les bases de votre récit. Elle se compose de :
- une accroche (facultative si vous avez déjà l’attention des personnes);
- une présentation du cadre spatio-temporel (quand, où);
- une présentation des personnes impliquées dans cette histoire;
- le thème de l’intrigue.
Souvent dans les histoires, on reconnaît ce moment lorsqu’on entend : “Il était une fois…” et “Tous les jours…”. Par exemple :
“Il était une fois une princesse enfermée dans un donjon dans un pays fort lointain. Tous les jours, elle se brossait les cheveux à la fenêtre en espérant qu’un prince viendrait la délivrer.”
2) Élément perturbateur / Nœud
Il s’agit d’une rencontre ou un événement déclencheur qui pose problème dans votre histoire. Ce moment sonne le véritable démarrage de l’histoire, qui serait absolument inintéressante si un élément ne venait pas perturber le quotidien du héros.
3) Péripéties
Il s’agit d’une série d’actions qui découlent de l’élément perturbateur et qui constituent le cœur de l’histoire. Pour essayer de résoudre son problème, le héros va entreprendre diverses stratégies qui vont susciter l’espoir ou le désespoir, la rencontre d’amis et d’ennemis sur son chemin.
4) Elément de résolution / Dénouement
Le moment de tension maximale, le point de bascule. On ne sait pas si la suite va être positive ou négative. Le doute est à son paroxysme.
Dans les histoires classiques, c’est souvent le moment où le héros combat le grand méchant ou un moment de confrontation. A l’issue de cet évènement, les obstacles sont résolus ou n’ont pas été franchis. On sait si le héros a trouvé une solution ou pas.
5) Situation finale / Ouverture
Elle se compose de :
- une présentation de la nouvelle situation post-dénouement;
- une présentation d’un message : quelle leçon tirer de cette histoire.
Parfois ces 6 étapes peuvent être racontées plus ou moins rapidement.
Vous pouvez trouver aussi une certaine forme d’originalité dans les histoires qui revisitent cette structure. Par exemple, dans le film “Irréversible” de Gaspard Noé avec Monica Belluci, tout le film est raconté à l’envers : on commence par la fin et l’intrigue du film consiste à remonter les événements un par un pour comprendre comment les héros de l’histoire en sont arrivés là.
Ne pas oublier les ingrédients magiques
Pour faire un bon gâteau, il ne suffit pas d’avoir une bonne recette. De la même manière, pour raconter une bonne histoire, il ne suffit pas de respecter les étapes. Il vous faut aussi de bons ingrédients qui vont donner corps à l’histoire.
Clarté
Soignez l’introduction et la conclusion. Eviter le traditionnel « voilà » à la fin en prévoyant votre conclusion et la chute de l’histoire à l’avance.
Dans le développement de votre histoire, essayez d’introduire des mots de transition qui permettent de comprendre la chronologie des évènements ou la logique des enchaînements comme : “Ensuite”, “Tout d’un coup”, “C’est alors”, “Enfin”.
Tension
Créez du suspens en ne racontant pas la fin tout de suite et en laissant des moments de silence.
Variez la voix notamment juste avant les moments clés en ralentissant ou en haussant le ton au moment du coup de théâtre.
Présentez un héros et un méchant (qui peut être symbolisé par une personne, un obstacle, une peur, etc.).
Emotions
Privilégiez une histoire personnelle qui a beaucoup plus d’impact qu’une histoire vécue par quelqu’un d’autre car vous aurez beaucoup plus d’émotions à apporter si vous êtes le protagoniste principal.
N’hésitez pas à nommer vos émotions ou à les évoquer implicitement à travers les sensations corporelles ou les pensées qui vous ont traversées. Par exemple : “j’avais la gorge nouée” ou “je me suis dit que c’était trop tard”.
Immersion
Une histoire doit être comme un voyage ou un film que votre public peut se représenter dans sa tête. Susciter l’empathie du public en faisant en sorte qu’il se sente concerné par l’histoire et se dise « ça aurait pu m’arriver ». Vous pouvez inclure le public en utilisant des expressions inclusives comme « vous », « ça vous est peut-être déjà arrivé… ». Introduisez des faits ou des actions que votre public connaît et auxquels il peut s’identifier.
N’oubliez pas les descriptions : décrire un paysage, une personne, une atmosphère. Ne soyez pas trop longs : l’objectif n’est pas de tout décrire mais plutôt d’utiliser des détails précis qui permettront au public de se représenter la scène en un seul mot et de reconstituer le reste par son imagination. Par exemple, évoquez des petits détails qui font la différence comme parler de la couverture du magazine que vous lisiez quand vous étiez jeune, la couleur bleue des volets de la maison, une ride au coin des yeux de votre grand-mère, etc.
Inspiration
Une histoire inspirante est une histoire qui comporte une morale à la fin, comme dans les Fables de La Fontaine. L’idéal est que votre histoire serve de leçon et puisse transmettre un message utile à votre public dont il se souviendra encore des années après.
Exercice d’application : analysez les discours suivants
Voici deux interventions orales qui utilisent l’art du storytelling. Dans chaque discours :
- notez la structure utilisée
- les différents éléments qui correspondent aux 5 ingrédients d’une bonne histoire : clarté, tension, émotions, immersion et inspiration.
On attend vos réponses en commentaires !
Conférence TED : Comment la course m’a donné une leçon de vie
Discours de Steve Jobs à Stanford (2005)
S’entraîner à raconter une histoire
Après avoir lu tous ces conseils et observé concrètement comment de très bons orateurs utilisent le storytelling, vous vous demandez peut-être : et comment je l’applique ?
Notre stage “Le storytelling : raconter des histoires pour transmettre ses idées” vous permettra de pratiquer dans des mises en situation et de recevoir des retours personnalisés qui vous permettront de progresser dans la maîtrise de cette technique.
Nos sessions de formation individuelle peuvent également vous aider à appliquer ces techniques de manière personnalisée dans vos prises de paroles concrètes : apprendre à raconter une expérience en entretien d’embauche, en rendez-vous client, en interview ou dans une présentation en public.